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Type de textesource
TitreCours de peinture par principes
AuteursPiles, Roger de
Date de rédaction
Date de publication originale1708
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Editeur moderne
Date de reprint

, p. 93

Le peintre doit envisager cet objet avec attention, et le représenter présent quoiqu’absent, et se demander à soi-même ce qu’il ferait naturellement s’il était surpris de la même passion. Il faut même faire davantage : il faut prendre la place de la personne passionnée, s’échauffer l’imagination ou la modérer selon le degré de vivacité ou de douceur qu’exige la passion, après y être bien entré et l’avoir bien sentie ; le miroir est pour cela d’un grand secours, aussi bien qu’une personne qui étant instruite de la chose voudra bien servir de modèle. Mais ce n’est point assez que le peintre sente les passions de l’âme, il faut qu’il les fasse sentir aux autres, et qu’entre plusieurs caractères dont une passion peut s’exprimer, il choisisse ceux qu’il croira les plus propres à toucher surtout les gens d’esprit  […]. Quand on a une fois attrapé le goût du spectateur, rien ne l’intéresse davantage en faveur du peintre.  Ces mouvements s’exprimeront bien mieux, et seront bien plus naturels, si l’on entre dans les mêmes sentiments et que l’on s’imagine être dans le même état que ceux que l’on veut représenter. […] « Le moyen (dit Quintilien) de donner une couleur à une chose si vous n’avez point cette couleur : il faut que nous soyons touchés les premiers d’une passion avant que d’essayer d’en toucher les autres. Et comment faire (ajoute-t-il) pour se sentir ému, vu que les passions ne sont pas en notre puissance : en voici le moyen, si je ne me trompe. Il faut se former des visions et des images des choses absentes, comme si elles étaient effectivement devant nos yeux, et celui qui concevra le plus fortement ces images pourra exprimer les passions avec plus d’avantage et de facilité. » Mais il faut prendre garde, comme nous l’avons déjà dit, que dans ces images les mouvements soient naturels ; car il y en a qui s’imaginent avoir bien donné de la vie à leurs figures quand ils leur ont fait faire des actions violentes et exagérées, que l’on peut appeler des contorsions du corps plutôt que des passions de l’âme.

Dans :Polos, si vis me flere(Lien)

, p. 222-223

Mais il faut bien un autre art pour exécuter la pensée d’un tableau que pour déclamer une tragédie. Pour celle-ci, il y a peu de préceptes à ajouter aux talents extérieurs de la nature, et l’exécution de la peinture demande beaucoup de réflexion et d’intelligence. Il suffit presque uniquement au déclamateur de s’abandonner à son talent, et d’entrer vivement dans son sujet, et je sais que le comédien Roscius s’en acquittait avec tant de force que pour cela seul il méritait, dit Cicéron, d’être fort regretté des honnêtes gens, ou plutôt de vivre toujours. Mais le peintre ne doit pas seulement entrer dans son sujet quand il l’exécute, il faut encore qu’il ait, comme nous l’avons dit, une grande connaissance du dessin et du coloris, et qu’il exprime finement les différentes physionomies et les différents mouvements des passions.

Dans :Polos, si vis me flere(Lien)